Le contrat de vente du cheval - Partie 1 : l'annulation pour "dol" (tromperie)

Le contrat de vente du cheval

Le sujet du contrat de vente étant vaste, nous procéderons par thèmes traités dans des articles séparés. Cette première partie sera consacrée à la possibilité de faire annuler le contrat de vente d’un cheval pour dol.

Qu’est-ce que le dol ? Il est défini par le Code civil comme « le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges » (article 1137). Qu’est-ce que l’annulation du contrat de vente ? Pour qu’un contrat soit valablement constitué il faut respecter plusieurs conditions, parfois de forme (tel qu’un écrit) et de fond. Parmi ces conditions de fond, il faut que les parties au contrat aient donné leur consentement. En droit, on parle de consentement « éclairé ». En d’autres termes, il faut que le consentement soit donné en toute connaissance de cause. Lorsque cela n’est pas le cas, le contrat peut être annulé. Un contrat nul est un contrat qui est réputé n’avoir jamais existé. Il faut alors remettre les choses dans l’état dans lequel elles se seraient trouvées en l’absence de conclusion du contrat.

1. Les éléments constitutifs du dol

Voyons dans un premier temps comment est caractérisé le dol dans le cadre du contrat de vente d’un cheval. Pour qu’il y ait dol, il faut deux éléments : qu’il ait des « manœuvres ou des mensonges » et que le consentement de l’autre ait été influencé par ses manœuvres.

1.1. Les manœuvres ou mensonges

La notion de manœuvres ou mensonges suppose l’existence d’une volonté de tromper son co-contractant. Par exemple, un vendeur qui masque les symptômes d’une dorsalgie au moyen d’infiltrations le jour de l’essai est coupable de manœuvres dolosives (TC Saint Nazaire, jugement du 17/12/2008). Le vendeur fut condamné à rembourser le cheval. Cependant, il n’est pas nécessaire qu’il y ait un acte positif. En effet, l’alinéa 2 de l’article 1137 du Code civil ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.» Cet alinéa est très important car c’est très souvent lorsque le vendeur dissimule quelque chose à l’acheteur que ce dernier invoque la nullité du contrat pour dol (on parle de « réticence dolosive »). En jurisprudence, on retrouve très souvent des opérations ou accidents non déclarés à l’acheteur. Ce fut le cas pour un cheval de dressage acheté au prix de 45 000 € atteint d’une pathologie naviculaire le rendant inapte au dressage en compétition. Il n’en avait pas informé l’acheteur qui a prouvé que l’acheteur connaissait cette pathologie au jour de la vente puisqu’il avait tenté de soigner le cheval par différents traitements (CA Bourges, arrêt du 21/01/2010).

1.2. Le consentement vicié

Il faut que le consentement du contractant ait été vicié en raison de ces manœuvres ou dissimulations. Cela signifie que le mensonge doit porter sur un élément essentiel du contrat. C’est la raison pour laquelle il est très important de noter la destination du cheval sur le contrat. Une personne avait acheté un cheval et indiqué qu’elle souhaitait l’utiliser pour du loisir. Elle s’aperçoit que le cheval ne sera pas apte à une activité de dressage en compétition en raison d’une ataxie cervicale. Le tribunal estime qu’elle n’apporte pas la preuve que cet élément était déterminant pour elle le jour de la vente puisqu’elle destinait son cheval à une activité de loisir (Cour d’appel de Douai, arrêt du 17/05/2018). Sa demande en annulation pour dol est rejetée.

2. Les conséquences du dol

2.1. L’annulation du contrat de vente

Si le dol est constitué, le contrat peut être annulé par la personne dont le consentement a été vicié. Toutefois, pour faire annuler un contrat, il n’y a pas d’autres solution que d’engager une procédure. Le juge qui estime que le contrat est atteint de nullité va en tirer les conséquences. En principe, il faut remettre les choses dans l’état dans lequel elles étaient avant la conclusion du contrat. L’acheteur doit donc rendre le cheval et le vendeur doit rendre l’argent. Cependant, les juges tiennent compte du fait qu’on a pu s’attacher au cheval et admettent la possibilité pour l’acheteur de se faire rembourser seulement une partie du prix du cheval et de garder le cheval.

2.2. Les dommages et intérêts

Si des frais ont été engagés par l’acheteur du fait du contrat, ces frais devront être remboursés par le vendeur au moyen de dommages et intérêts. Ce sera par exemple le cas de tous les frais vétérinaires engagés par l’acheteur postérieurement à la vente du cheval. Dans une affaire, un vendeur n’avait pas informé l’acheteur d’une opération de l’intestin grêle subie par le cheval quatre ans avant la vente. Le cheval a dû être euthanasié un an plus tard. Le vendeur coupable de réticence dolosive, est condamné à rembourser le prix du cheval (55 000 euros), rembourser l’ensemble des frais d’entretien mais également à verser des dommages et intérêts liés au préjudice sportif car le cavalier appartenait à l’équipe de France junior de CSO (Cour d’appel de Caen, arrêt du 14/06/2016).

En pratique, notez que le dol est rarement constitué en jurisprudence. En effet, il n’est pas toujours facile d’apporter la preuve de l’intention de tromper l’acheteur. D’où l’importance de toujours se ménager des preuves écrites en cas de litige.