Mon cheval trébuche : pourquoi et comment y remédier selon une élève de Nuno Oliveira

cheval qui trébuche

 

Mon cheval trébuche : pourquoi et comment y remédier selon une élève de Nuno Oliveira

Cheval Référence donne la parole à Agnès Wittmann (présentation à la fin de l'article), ancienne élève du grand écuyer Nuno Oliveira :

« Un sujet qui me semblait tellement simple que je puisse y répondre en deux mots : "En Avant !" mais qui finalement englobe tout ce qui concerne le cheval, de la morphologie à son mental et de l'équilibre à l'équitation elle-même dans toute son essence !

 

Je passerai sur de gros défauts de morphologie, très mauvais aplombs, cagneux à outrance ou trop droit sur ses boulets  par exemple qui rendent le cheval impropre à son utilisation par l'homme et qui, dans la nature, ne survivrait d'ailleurs pas.

Dans la nature, sitôt né, le poulain se met debout, ce qui est un exploit de contrôle de l'équilibre et de volonté.  Là déjà, aux premiers instants de vie, l'arrière main doit propulser tout le corps en même temps qu' il faut trouver l"équilibre sur 4 longues jambes chancelantes pour se lever et bien vite, il faut acquérir la coordination de tout ceci pour permettre les premières foulées de galop autour de sa maman, celles-ci étant gage de survie, de vie  !

Pas question de trébucher.... et les pertes d'équilibre inévitables sont vite maîtrisées.  Il faut se relever et se corriger, améliorer cet équilibre vital !

 

Alors, qu'est ce qui peut amener un cheval à trébucher ?

Les évidences comme des boiteries (maladie naviculaire par exemple ou simple caillou dans la fourchette), fatigue, usure, faiblesse générale.... ou, autre évidence, vieille ferrure laissant des pieds trop longs.... chacune de ses causes imposant sa solution.

Moins évidente est la distraction ou la négligence.   Là, le manque d'énergie Mentale est en cause.    Un bon cheval doit avoir un bon mental qui le propulse quel que soit le terrain !

Il faut alors amener le cheval en terrain difficile, sous bois, caillasses et le laisser se débrouiller, c'est-à-dire, ne pas intervenir et le laisser trouver son chemin et la place pour ses pieds.  Un bon cavalier doit savoir laisser l'initiative à son cheval !   En montagne, cela devient d'ailleurs une évidence pour la survie du couple.

La force de propulsion Vient de l'arrière main !

 

La seconde partie abordera l'équitation en elle-même et la responsabilité du cavalier.

"Si vous avez un problème à l'avant-main, préoccupez vous de l'arrière-main", disait Maître Nuno Oliveira, grand Ecuyer portuguais du XXème siècle.

Il a tout dit, tout écrit.   Je fus son élève....

 

Je commencerai par une histoire vécue dans mon adolescence qui fut une leçon de vie, à vie pour la vie !

A cette époque, adolescente,  j'avais la chance de monter notamment, un parfait cheval-école du nom de Whisky.    Retraité de gendarmerie, ce grand alezan, aux membres fins et au chanfrein droit, près du sang, imperturbable et courageux, était le parfait professeur dont tout cavalier rêverait .   Il a mon éternelle reconnaissance pour m'avoir sauvé la vie et la sienne, une belle journée d'automne,  au prix d'un effort extrême mais aussi PARCE QUE j'ai eu le réflexe de lui donner la possibilité de nous sauver.   Trop grand pour moi, je le montais à la voix, tout naturellement.

Ce jour là, en promenade dans la merveilleuse Forêt de Soignes, qui borde Bruxelles au Sud, j’aperçois un imposant tronc d'arbre et des traces de chevaux.  Inconsciente, j'y envoie le brave Whisky !

Dans la phase d'envol, je m'aperçois qu'il n'y avait pas UN  gros tronc d'arbre mais trois et que j'avais pris l'obstacle à l'envers.... une erreur  de jeunesse qui aurait pu nous tuer tous les deux. C'est alors que j'ai senti tout le corps de Whisky s'allonger encore et encore dans un effort suprême tout en étant en l'air.   Mes petits bras avaient tout donné (il avait une très longue encolure) et mes mains se trouvaient à la boucle des rênes,, tendues en avant, toute encolure déployée, tout angle tête-encolure ouvert.

Nous aurions pu faire un panache mortel nous étions saufs !   

Depuis ce jour, je monte toujours avec des rênes strictement lisses, des rênes de bride pour pouvoir laisser filer les rênes au moindre problème et.....Quand et si  le cheval Trébuche !   

A l'entraînement des galopeurs toutefois, j'avais des rênes recouvertes de caoutchouc mais en gardant toujours dans les mains, ce sentiment de pouvoir donner pour allonger, en mettant dans le vide (comme on fait dans cet art particulier, l'entraînement des galopeurs) en gardant les mains en perpétuel dialogue avec les....postérieurs du cheval d'où vient la force de propulsion, la force de Vie, la force qui gagne.

 

En équitation, quelle que soit la discipline, tout se joue dans les postérieurs.

 

J'ai fait les montagnes de l'Atlas avec ma jument, Pur Sang, une Grande Dame des pistes épurées de galop et de sable fin. Sa volonté ET sa force de propulsion des postérieurs pouvaient alors vaincre les plaques de rochers. Elle s'appellait Vicenza, née en Allemagne, par Zank et Vicentina, alezane elle aussi....

Plus le cheval est assis, (rassemblé comme on dit en équitation artistique), plus il est maniable.    Un cheval assis peut, en tauromachie, faire un volte-face pour éviter la charge du taureau et, un cheval assis comme le kangourou,  peut sauter un obstacle de plus en plus haut.....

L'équitation western est encore une autre illustration extrême du cheval assis.....

En équitation académique, l'exercice suprême pour gymnastiquer les postérieurs est l'Epaule en dedans, dite "l'aspirine de l'équitation" par Me Nuno Oliveira.    Comme toute gymnastique, c'est un long programme de musculation dans la DECONTRACTION, condition sine qua non pour obtenir un quelconque effet bénéfique.

En cela tout enrênement qui, par définition CONTRAINT a un effet CONTRAIRE !

Un cheval assis ne peut trébucher.   Un cheval qui trébuche manque d'activité des postérieurs et est dit "sur les épaules".  

La réponse est alors mettre dans le vide et pousser EN AVANT !

Un cheval non contraint est "calme, en avant et droit", rejoignant alors l'inébranlable maxime du Général L'Hotte.

 

Agnès Wittmann, avec la collaboration particulière de Whisky, noble cheval, retraité de gendarmerie et Vicenza, PS, Grande Dame des pistes de galop. »

 

Quelques mots de présentation d'Agnès Wittmann :

« Je suis née dans une famille de tradition équestre. C'est à l'âge de 3 ans, dans les écuries du cirque Knie que j'ai déclaré ma vocation. J'ai beaucoup fréquenté les grands cirques lors du travail du matin puis les clubs d'équitation à proximité des écuries de courses. C'est très rapidement que mes affinités avec les PS, reconvertis,  dans les écoles d'équitation, devinrent une évidence...

De là, j'ai été recrutée comme lad sur les champs de courses, où, adolescente, j'ai gagné mon premier argent de poche.

Avec mes PS, j'ai eu la chance de rencontrer feu Maître Nuno Oliveira et ai participé à des stages (de dressage artistique) durant les 3 dernières années de sa vie. En tant qu'élève de ce grand Ecuyer, j'ai été recrutée comme enseignante au Poney Club de Gaillemarde, à La Hulpe en Belgique, fondé par la Comtesse Rose de Meeus d'Argenteuil et dirigé par Z. Wierbicki, entraîneur national poney durant une trentaine d'années, ajoutant à mon bagage un monitorat de voltige où mon côté artiste trouvait toute son expression, mêlant créativité, musique, couleurs et beauté du cheval. »

 

Article publié le 22 février 2021