Lundi 23 novembre un amendement (amendement n°I-24 rect. Bis) défendu par la sénatrice Anne-Catherine Loisier a été adopté au Sénat portant le taux de TVA sur la vente de poulains à 10% au lieu de 20%. L’intention de la sénatrice est plus que louable pour l'élevage équin mais on a des raisons de penser que celle-ci sera vaine.
Tout d’abord, une même tentative avait échouée au moment du vote de la loi de finances rectificative du mois de juillet : l’amendement avait été adopté au Sénat puis retiré du vote avant l’examen par la Commission mixte paritaire (article le Parisien). Selon la sénatrice, le problème vient de Bercy et non de la Commission européenne. Pas si sûr… En effet, les taux de TVA sur les ventes de chevaux ont été modifiés en France à la suite de sa condamnation par la Commission européenne dans un arrêt du 8 mars 2012 (disponible sur le site Curia affaire C‑596/10).
Pourquoi le taux de TVA sur la vente de chevaux est passé à 20% à la suite de l’arrêt de la Commission européenne ? Simplement car les taux dits « réduits » de TVA sont réservés à des catégories bien particulières de ventes ou de prestations de services.
Il y a tout d’abord le taux réduit réservé à la préparation des denrées alimentaires (point 1 de l’annexe III de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée): certaines ventes d’animaux bénéficient de ce taux réduit (ovins, caprins et porcins) mais il s’agit d’animaux qui sont principalement élevés pour l’alimentation (la finalité de cette disposition est de faciliter l’achat de ces denrées alimentaires par le consommateur final). Les chevaux qui sont vendus pour la boucherie bénéficient donc de ce taux, mais il s’agit là d’une exception.
La seconde exception concerne les chevaux utilisés à des fins agricoles (point 11 de l’annexe III de la directive TVA). On comprend que c’est dans cette catégorie que la sénatrice souhaite faire entrer les poulains, au même titre que les étalons et les poulinières, elle évoque en effet dans l’exposé des motifs de son amendement, le fait qu’il s’agit d’« animaux en phase d’élevage ». Cependant, la Commission s’est déjà clairement prononcée sur le taux de TVA applicable aux ventes de poulains. Au point 26 de son arrêt elle précise que les poulains ne peuvent bénéficier du taux réservé aux approvisionnements et intrants agricoles, sauf s'ils vont eux-mêmes être utilisés dans la production agricole. En d’autres termes : la vente d’une pouliche destinée immédiatement à la reproduction peut bénéficier du taux de TVA à 10%. Dans tous les cas, on voit mal comment la vente d’un poulain vendu à un particulier pourrait systématiquement bénéficier du taux de 10% puisqu’en général un particulier achète un poulain pour le sport, le loisir ou la compagnie. La Commission, dans le point 28 de son arrêt s’est clairement exprimée à ce sujet : la vente des chevaux de race destinés au loisir et à la compétition est soumise au taux normal de TVA (20% pour la France).
Pour conclure sur le taux de TVA applicable à la vente d’un poulain :
- La vente à un professionnel est déjà soumise au taux de 10% lorsqu’il s’agit d’un poulain destiné à la reproduction (future poulinière), dans les autres cas, à lire l’interprétation de la Commission, cela semble difficile d’argumenter pour un taux réduit.
En tout état de cause, les professionnels peuvent récupérer la TVA, donc l’intérêt est vraiment limité.
- La vente à un particulier devrait rester soumise au taux de 20% puisqu’on est dans le cadre d’une activité de loisir (sauf exception s’il s’agit d’une pouliche destinée à la reproduction, la pouliche pourra alors bénéficier du taux de 10%, mais c’est déjà le cas actuellement).
Article publié le 25 novembre 2020