Un vendeur de chevaux aux méthodes cavalières condamné par le tribunal

Vente cheval CSO

Jugement du Tribunal judiciaire de Melun du 18 février 2020, RG 18/00117

Vendre un cheval sans en être propriétaire, il fallait oser !

La vente du cheval 

Un intermédiaire dans la vente de chevaux a vendu un cheval à un amateur pour un prix de 12 000 €. Ce cheval était destiné à la compétition. Une visite d'achat a été réalisée par un docteur vétérinaire qui avait conclu à un avis favorable. Jusque là tout va bien... sauf qu'on apprend que le cheval a été vendu le 18 février 2016, date à laquelle l'intermédiaire n'était pas encore propriétaire du cheval puisqu'il l'a acheté à son ancien propriétaire le 27 février 2016 ! Au passage, le prix d'acquisition du cheval était de 4 800 € TTC. Ce qui fait tout de même une belle commission de 7 200 euros, sans prise de risque. Enfin, en apparence... Nous allons voir cela un peu plus loin.

Le constat des troubles de la locomotion du cheval et l'expertise judiciaire

Assez rapidement, l'acquéreur affirme que le cheval a présenté des troubles de la locomotion, troubles qu'il estime préexister à la vente. Il obtient du Tribunal de Grande Instance de Melun que soit ordonnée une expertise judiciaire. L'expert, qui est un vétérinaire équin, constate que les radiographies réalisées dans le cadre de la visite d'achat montrent des lésions ostéoarticulaires compromettant l'utilisation du cheval en compétition de saut d'obstacles. Il y a donc clairement une faute du vétérinaire qui a réalisé la visite d'achat.

L'assignation en garantie 

L'acquéreur du cheval assigne donc le vendeur en garantie afin d'obtenir l'annulation de la vente du cheval et le remboursement des frais vétérinaires engagés.

La garantie légale de conformité est très puissante et permet à l'acquéreur de faire annuler la vente si le bien vendu n'est pas conforme à sa destination. Nous savons qu'elle ne s'applique qu'entre un professionnel et un « consommateur », c'est à dire un acquéreur profane (voir notre article sur les vices cachés). En l'espèce, le tribunal juge que l'acquéreur doit être considéré comme un acquéreur profane « aussi familier qu'il puisse être des chevaux en raison de sa profession de maréchal-ferrant dès lors que cette profession ne lui confère aucune qualification particulière en matière de vente de chevaux ». La société vendeur quant à elle, qui est incontestablement un professionnel (il s'agissait d'une société spécialisée dans la vente de chevaux), sera tenue de la garantie légale « dès lors qu'elle s'est présentée comme étant le vendeur et qu'elle a réalisée la vente en son nom propre à l'insu du véritable propriétaire du cheval ».

La décision du tribunal 

Compte tenu des conclusions de l'expert vétérinaire, la résolution de la vente sera donc prononcée par le Tribunal. L'intermédiaire sera donc condamnée à rembourser le prix de vente. Petit hic pour l'acquéreur : il semblerait qu'une partie du prix ait été versée en espèces puisque le chèque a été encaissé pour un montant de 9 600 euros. Les acquéreurs n'obtiendront donc pas les 12 000 euros demandés mais seulement un remboursement du prix de vente à hauteur de 9 600 euros « déclarés ». Il obtiendront également le remboursement de factures vétérinaires et de frais de pension à hauteur de 7 640 euros.

La tentative du vendeur de remettre la faute sur le vétérinaire

Le vendeur se retourne alors contre le vétérinaire qui a commis une faute dans le compte rendu de sa visite d'achat. Toutefois, le tribunal rejette cette demande au motif qu'il n'est pas « démontré que cette faute aurait été déterminante de l'acquisition du cheval le 27 février 2016 » Et le tribunal d'ajouter « En outre, la société qui n'aurait pas du être tenue de garantir la conformité d'un cheval dont elle n'était pas propriétaire ne peut se prévaloir de sa propre turpitude à savoir le fait de s'être présentée comme étant le propriétaire du cheval dès le 18 février 2016 alors qu'elle n'en a fait l'acquisition le 27 février 2016 pour solliciter la garantie du vétérinaire ». En d'autres termes, le vendeur s'est prétendu propriétaire du cheval et doit en assumer les conséquences auprès de l'acquéreur. Cependant, il ne peut se prévaloir de sa position de soit-disant vendeur pour rejeter la faute sur le vétérinaire alors qu'il n'était pas en droit de vendre le cheval puisqu'il n'en était pas propriétaire.

 

Conclusions 

  • l'achat d'un cheval est un acte important qui implique des sommes financières conséquentes, il est prudent de contractualiser le prix de vente total et non de passer une partie du prix de la main à la main ;
  • si le vendeur avait acquis le cheval avant de le vendre, il aurait probablement pu rejetter la faute sur le vétérinaire, il aurait simplement fallu démontrer que le cheval avait été acquis pour un acquéreur en particulier pour lequel la pratique de la compétition était déterminante ;
  • un acquéreur maréchal-férrant n'est pas considéré comme professionnel pour l'acquisition d'un cheval.

 

Article du 23 juin 2021